MYTHOLOGIES

MYTHOLOGIES

Qu' est ce que le Graal

Le mot graal est un nom commun, employé, semble-t-il, dans l'Est de la France pour désigner des ustensiles domestiques : vase, mortier ou écuelle. Plusieurs étymologies ont été proposées : le gallois "griol" doit être éliminé et, sans doute, faut-il préférer le latin "cratalis", au sens de "plat".
Au Moyen Âge, le graal semble être un plat large et creux, proche de l'écuelle où l'on mange à plusieurs. Des mots de la même famille sont attestés en Provence et dans les Alpes.
 
 
 

De multiples formes

La première apparition du Graal se rencontre chez Chrétien de Troyes vers 1170-1180 : dans Perceval ou le Conte du Graal, une jeune fille porte un graal dans une procession à l’occasion du repas chez le Roi Pêcheur. Il s’agit alors d’un objet courant, un plat ou un récipient, dont la nature merveilleuse n'est pas explicitée. Resté inachevé, le roman a donné lieu à d’immenses développements. 
Diverses versions donnent du Graal des descriptions radicalement différentes. 
Chez Robert de Boron, c’est une coupe semblable au calice liturgique. 
Chez Wolfram von Eschenbach, auteur du Parzival que Wagner reprendra, c’est une sorte de pierre nommée lapsit exillis, liée à la chute des anges. 
La Continuation Gauvain
 le présente comme une corne d’abondance, flottant au milieu de la salle.
Elle sera de nouveau portée par une jeune fille dans la Troisième continuation de Manessier.
Dans le Peredur gallois, c’est un plateau d’argent porté par deux jeunes filles, sur lequel la tête d’un homme baigne dans le sang.

 
Avec Robert de Boron, au début du XIIIe siècle, le Graal devient la coupe qui a servi à l’Eucharistie, et qui a recueilli le sang du Christ sur la Croix : ce sera la version la plus largement diffusée en France et en Angleterre, notamment à travers les grandes compilations du cycle du Graal.
 

Le Conte du Graal

 

C'est avec Chrétien de Troyes, dans son dernier roman Perceval ou le Conte du Graal écrit vers 1180 et resté inachevé, que se développent l'aventure littéraire du Graal et son résonnement imaginaire. A l'origine plat ou écuelle, le graal devient chez Chrétien une splendide pièce d'orfèvrerie, faite pour le service d'une table royale, dont la nature merveilleuse demeure mystérieuse. Le cortège qui passe devant les yeux de Perceval doit être perçu tout d'abord comme un magnifique service de table : des jeunes gens amènent en procession une lance au bout de laquelle perlent des gouttes de sang, des candélabres d'or, un graal orné de pierres précieuses et un tailloir en argent puis une table d'ivoire, avant de servir un sublime festin. A cause de son péché, Perceval manque de demander la signification de la Lance et du Graal. Plus tard, l'ermite lui expliquera que le Graal est une "très sainte chose", dans laquelle est servie une hostie qui maintient en vie le Roi-Pêcheur.

 

Chrétien de Troyes n'a pas inventé cet objet, ni la scène du cortège. II faut vraisemblablement penser à l'un des récipients merveilleux qui apparaissent souvent dans les récits celtiques anciens : vases et plats y produisent en abondance une nourriture ou une boisson inépuisables, dans des festins de l'Autre Monde (coupe merveilleuse associée à l'idée de souveraineté, corbeille aux mets toujours renouvelés, corne à boire dont le breuvage donne jeunesse et joie ou enfin chaudron d'abondance, générateur de sagesse).
Mais le romancier champenois introduit une première christianisation de ces thèmes en suggérant que le Graal pouvait contenir une hostie ; celui-ci devient alors un saint vase, orné de pierres précieuses. C'est une sorte de viatique, tenu par une jeune fille, qui passe plusieurs fois.
Ainsi, en combinant des données païennes, issues essentiellement de la mythologie celtique, à des éléments chrétiens, Chrétien de Troyes a donné au Graal un caractère magique, merveilleux et mystique.
 

 

Les continuations du Conte du Graal

Chrétien de Troyes a laissé les aventures du Conte du Graal inachevées. 
Quatre Continuations, rédigées par Wauchier de Denain, Manessier et Gerbert de Montreuil entre la fin du XIIe siècle et les années 1230, ont donc essayé de les mener à leur terme. Elles essayent d’élucider les mystères laissés en suspens par Chrétien (la lance qui saigne, l’épée brisée, le roi blessé), en développant le caractère chrétien et miraculeux du Graal, et en transformant les aventures chevaleresques en quête mystique. Ces romans qui succèdent à l'œuvre du maître, mettant en scène les personnages de Perceval et de Gauvain, semblent témoigner d'un effort sans cesse renouvelé pour clore le roman tout en suggérant l'impossibilité de l'achever.

 
 

Le Roman de l'Histoire du Graal

 

Au tournant du XIIe et du XIIIe siècle, le Roman de l'Estoire dou Graal en vers puis le Joseph d'Arimathie et l'Estoire del Saint Graal en prose vont plus loin dans la christianisation du graal. Robert de Boron identifie pour la première fois avec le calice dans lequel Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du Christ sur la Croix. 
Plusieurs éléments sont alors assimilés dans le Graal : l'écuelle où Jésus mangea avec les Apôtres lors de la Cène, le récipient où fut recueilli son sang sur la croix par Joseph d'Arimathie, le calice de la messe ainsi que le ciboire qui sert à porter l'hostie. 
D'autres œuvres en prose proposent leur version de la quête du Graal : dans le Perceval en prose qui clôt la trilogie attribuée à Robert de Boron, le héros éponyme est l'élu du graal, tandis que dans le Haut livre du Graal, c'est Perlesvaus qui occupe cette fonction.
Chez Robert de Boron, le Graal émet un rayonnement divin, une lumière due à la présence mystique du Christ. Avec le mythe du Graal apparaît donc l'espoir de la rédemption et la croyance que le monde pourra être libéré du mal. La quête du Graal devient la quête de la vérité ultime, de la Connaissance, pour un monde qui va vers son achèvement.

Le cycle du Graal

Irène Fabry
 
Composé en prose française dans les années 1220-1230, un immense cycle du Graal – appelé "Lancelot-Graal", "Lancelot en prose", ou "Grand Saint-Graal" – compile toutes les légendes arthuriennes dans une perspective chrétienne. Cette Vulgate constitue la forme la plus répandue de la légende arthurienne, comme l'atteste sa riche transmission manuscrite. Elle est constituée de cinq romans : l'Histoire du Saint Graal, le Merlin en prose, le Lancelot en prose, la Quête du Saint Graal et la Mort du roi Arthur, qui jouent un rôle décisif dans la diffusion de la légende du Graal et sa mise en forme. L'ensemble donne ainsi un tableau extensif et chronologique de l'histoire du Graal et de sa translation d'Orient en Occident, depuis les temps christiques jusqu'à la fin du royaume arthurien, en particulier dans l'Histoire, qui raconte les origines du Graal, et dans la Quête qui raconte les aventures des chevaliers arthuriens partis à la recherche de cet objet saint. 

L'Histoire du Saint-Graal

 
 

Le prologue de l'Histoire s'efforce de sacraliser sa matière et se sert du Graal pour détourner à son profit l'autorité du texte biblique. L'Histoire transforme le Graal en relique christique sacrée et vénérée mise sur le même plan que les instruments de la passion qui sont l'objet d'une dévotion particulière au Moyen Âge. La définition du Graal et sa caractérisation se font de manière progressive au cours du roman. Le "graal" n'est d'abord mentionné que comme la sainte "écuelle" jusqu'à la conversion des premiers Sarrasins. Il est alors désigné comme un "vase" (vaissel), avant de prendre définitivement le nom de "graal". Petit à petit, on ne représente plus le Graal comme une écuelle ou un plat, mais comme une coupe ou un ciboire. Le Graal est une relique dotée d'un double caractère sacré puisque le Christ y a pris son dernier repas et que Joseph d'Arimathie l'utilise comme réceptacle du Précieux Sang. Il est en outre conservé dans une arche sainte dotée de propriétés merveilleuses et interdite d'accès au commun des mortels, qui n'est pas sans rappeler l'arche d'alliance conservant les Tables de la Loi données à Moise et au peuple d'Israël dans le désert. Derrière le service sacré du Graal se lit le rituel eucharistique avec une insistance sur la distinction entre les hommes justes, purs, élus par Dieu, dignes d'y accéder, et les pécheurs qui en sont écartés.

 
 

La Quête du Graal

 

Dans la Quête du Saint Graal, récit allégorique et mystique où se font sentir l'influence cléricale et l'esprit cistercien, les aventures "célestielles" s'opposent aux entreprises terriennes et la figure de Galaad prend le pas sur celle de Lancelot. C'est à partir de la mise en série des différentes tables du Graal que se développent les aventures arthuriennes. À la Cène où le Christ a pris son dernier repas en compagnie de ses apôtres, préfiguration de son sacrifice eucharistique, a succédé du temps de Joseph d'Arimathie le service du Graal. Dans la Quête, c'est l'assemblée des chevaliers de la Table ronde qui est honorée du passage du Graal à travers une célébration merveilleuse. Cette épiphanie suscite le départ des chevaliers arthuriens en quête du Graal, conservé au château de Corbénic par la lignée des rois du Graal. Toutes les aventures inachevées mises en place dans l'Histoire du Saint Graal vont alors connaître leur résolution grâce à la venue du chevalier élu, Galaad le pur, le fils de Lancelot et de la fille du roi Pellès. C'est lui, Perceval et Bohort qui le découvriront.

 

La perte du Graal et son retour en Orient dans la ville de Sarras résultent de la corruption des habitants de Grande-Bretagne et correspondent à la fin des aventures merveilleuses associées à cet objet. Après la mort de Galaad, le dernier roman du cycle s'achemine ainsi inéluctablement vers la mort du roi Arthur, la disparition de ses chevaliers, et la destruction de son royaume. 

Tiré de http://expositions.bnf.fr/arthur/

 


29/06/2017